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Restaurer les terres au Niger
Dans la région de Diffa

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 « Avant de réaliser une activité, l’équipe nous demande toujours si c’est conforme à nos besoins et à notre mode de vie. L’approche communautaire de RESILAC converge avec nos spécificités locales. ».

 

Ce constat, dressé par le président d’une OSC locale de la commune de Diffa[1], met en lumière l’approche portée par le projet RESILAC, qui opère dans un contexte sécuritaire et climatique complexe.

 

Depuis plus d’une décennie, la région de Diffa souffre d’une crise à causes multiples. Les fragilités structurelles liées à un environnement naturel impacté par le changement climatique, et aux capacités limitées des services étatiques, entraînent un manque d’infrastructures et d’accès aux services de base. A cela s’ajoutent les exactions et violences permanentes que les groupes armés font peser sur les populations. Cette insécurité multiforme et croissante a plusieurs conséquences : une réduction drastique de l’utilisation des zones fertiles du lac Tchad, des déplacements internes de populations et l’arrivée de réfugiés venant des pays voisins, une pression démographique sur les rares ressources disponibles dans certaines zones déjà fortement précarisées et l’exacerbation des conflits communautaires liés au partage des ressources naturelles[2].

En outre, dans la région, les États et leurs services techniques déconcentrés interviennent de manière très limitée dans la gestion des terres à l’échelle locale. La loi foncière nigérienne contient des dispositions sur l’appropriation foncière et le règlement des conflits en zone rurale, mais celles-ci sont très peu utilisées, parce que les procédures sont souvent contraignantes et très coûteuses[3]. Si la gestion foncière reste globalement aux mains des chefferies traditionnelles, les pouvoirs de celles-ci s’amenuisent et l’absence de dialogue fige parfois les positions de chacun.

 

Par ailleurs, les effets du changement climatique sont une source supplémentaire de préoccupation et de tensions en réduisant leurs disponibilités à cause de l’ensablement, des sécheresses fréquentes et de la baisse de la fertilité des sols utilisés pour l’agriculture et l’élevage[4].

 

Face à cette situation, le projet RESILAC a mis en place des programmes ciblés pour restaurer les terres et aider les communautés à auto-gérer les ressources naturelles. Ces programmes sont novateurs, car ils font la promotion des débats pluri-acteurs à l'échelle locale, et formalisent les règles d’accès aux ressources naturelles par le biais de conventions locales pour les sites aménagés. Ces conventions de partenariat sont signées entre les leaders communautaires et les élus responsables des entités administratives des régions, ou les services techniques déconcentrés impliqués spécifiquement sur une activité agricole, et ce, en respectant toujours les lois en vigueur dans le pays.  Les programmes de RESILAC visent aussi à produire de nouvelles techniques pour définir le devenir des terres délaissées : établir des diagnostics pour optimiser l’utilisation de ces terres, tout en faisant preuve de créativité afin de garantir une exploitation respectueuse de l’environnement. 

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Une nouvelle approche du dialogue

 

Dans la région de Diffa, RESILAC renforce les mécanismes de dialogue entre entités territoriales (communes, cantons, chefferies) et leur communique des données pour leur permettre de faire le lien entre les besoins des populations et les problématiques de développement de leurs localités[5].

 

Ainsi, RESILAC a accompagné les communes de Maine Soroa, Chétimari et Goudoumaria, en collaboration avec les services techniques déconcentrés étatiques, à engager le processus d’actualisation du plan communal pour dessiner une vision d’ensemble des défis à relever au cours des cinq prochaines années.

 

Dans ces communes, les autorités départementales ont aidé le projet à créer 22    commissions    foncières communautaires. Ces commissions sont des entités administratives ayant pour mission de conduire des opérations d'aménagement. En complément, le projet a mis en place 7 cadres de concertation autour des chantiers à haute intensité de main-d’œuvre (HIMO), qui servent à améliorer la médiation sur les conflits récurrents liés à l’accès aux ressources naturelles. Ceci se concrétise régulièrement par la signature de conventions-cadres pour répartir les rôles de tous les acteurs sur les sites agricoles aménagés.  

 

Tous ces dispositifs permettent de renforcer l’engagement communautaire, et de solliciter un effort commun pour réinvestir les terres à l’abandon.

 

En outre, les chantiers HIMO donnent du travail aux jeunes, aux femmes et aux populations vulnérables qui, par ce biais, participent au redressement économique de la communauté, peuvent épargner de l’argent et subvenir aux besoins de leurs familles. Ceci stabilise les populations dans la région, favorise la cohésion sociale et la résilience.

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Un programme inclusif et adapté à chaque village

 

A 95km de Diffa et 20km du chef-lieu de département Mainé Soroa, Adebour est un village qui concentre des activités d’agriculture pluviale, de maraîchage, d’élevage et de petit commerce[6]. Le village dispose de terres dunaires, pour la production agricole pluviale et l’élevage extensif dans les aires de pâturages communautaires. Il dispose aussi de vallées fertiles, propices à la production maraichère et pluviale. Les équipes de RESILAC y ont réalisé des diagnostics, en vue d’identifier les ressources naturelles qui font l’objet de plus de pression démographique et climatique[7].

 

Suite à ces diagnostics, les groupements d’agriculteurs se sont mobilisés pour restaurer les terres. Ces travaux bien ciblés ont notamment abouti à la construction de clôtures grillagées, de points d’eau permanents dans les vallées, la fixation de dunes ainsi que l’ensemencement avec des herbacés et la plantation de plants de Prosopis (dérivés des Acacias) qui freinent l’avancée du désert. Soumaila Malam AWARI, membre du comité de gestion du site, explique:

 

«Ce  site  est  important  pour nous, car il va non seulement sauver notre vallée de l’ensablement, mais aussi permettre à nos animaux de trouver à manger juste à côté du village ».

 

Par ailleurs, le projet promeut un accès équitable aux terres sur les sites restaurés. Ainsi, sur l’un des sites maraîchers communautaires du village, parmi les 48 chefs de ménage désignés pour la gestion des terres, 12 sont des femmes. Une véritable nouveauté, d’après Gaptia Mai WANDARA, jeune cultivatrice et mère de trois enfants :

« Je bénéficie maintenant d’une parcelle de 200 m², où je cultive de la pomme de terre, tomate, moringa et laitue. Auparavant, c’était mon mari, seul, qui s’occupait du foyer en se proposant comme main d’œuvre et en vendant du charbon de bois. Désormais, la consommation de ces produits maraîchers a amélioré la sécurité nutritionnelle de ma famille. Et surtout, en tant que femme, avoir accès à la terre, c’est une fierté et une chance ».

 

La pratique de techniques innovantes adaptées aux enjeux climatiques

Dans la région, les sols deviennent moins fertiles en raison de la dégradation continue des terres, liée aux mauvaises pratiques agricoles, à l’érosion et à l’ensablement.

 

Pour y remédier, RESILAC a mis sur pied des « activités pilotes » pour tester des pratiques innovantes.  A Yambal (un village de la commune de N’Guigmi), en partenariat avec l’Université de Diffa, 20 producteur·rices leaders, dont 50% des femmes, ont participé à des études expérimentales. Ibrahim Hamidou OUMAROU, référent technique du projet, précise :

« Au total, sept techniques et pratiques ont été testées aux cotés des étudiants de l’université, portant sur  les paramètres de croissance et le rendement du maïs, les effets de l’écartement des plants sur la croissance, la productivité et l’efficacité d’une haie vive de moringa, les effets du compost sur la croissance et le rendement du maïs et de mil, l’efficacité du jus de neem contre les insectes ravageurs du niébé et les effets de la présence du basilic sur les insectes ravageurs du chou ».  

 

Lorsque les résultats sont concluants, ces nouvelles techniques seront ensuite enseignées aux villageois, par le biais de Champs-Ecoles Paysans[8].

Ceci s’inscrit dans la démarche de transmission/pérennisation de techniques innovantes sur des enjeux primordiaux pour les habitants: les conséquences de la remontée des eaux sur le foncier, le problème de l'usage croissant de pesticides, et le devenir des terres délaissées face à la sécheresse.

 

Outre la formation pratique des producteurs ruraux, le personnel des services techniques étatiques locaux est également mobilisé. Ainsi, une formation sur l’Agriculture Intelligente face au Climat (AIC) a été organisée en mars 2020, et renouvelée en juin à Zinder auprès de la Direction Régionale de l’Agriculture et des agents du projet RESILAC, en collaboration avec l’Institut International de Recherche sur les cultures des zones tropicales semi-arides (ICRISAT).

 

 

 

Si la gouvernance foncière s’est depuis améliorée, la région demeure, néanmoins, le théâtre d’évolutions imprévisibles. La fragilité persistante des terres, les mouvements de populations et les prises de contrôle fréquentes des groupes armés non étatiques, qui notamment taxent l’accès aux ressources naturelles[9], imposent de redoubler d’ingéniosité pour penser, ensemble, les conditions d’un partage équitable et durable des ressources.

Retrouvez cet article sur les sites internet de nos partenaires:

[1] Rapport d’évaluation itérative avec mini-séminaire (EIMS) N°3 conduit au Niger, Décembre 2020

[2] Compte-rendu, Visite Référent Pilier 1 – Région de Diffa, octobre 2020 – les visites datent du 18 au 26 août 2020

[3] Etude régionale de recherche INSUCO, Impacts contrastés de la crise sécuritaire sur les situations foncières dans la région du lac Tchad, 2020

[4] Rapport PASAM & AFD, La sécurité alimentaire des ménages ruraux sahéliens au Niger, dans les départements de Gouré et Maine Soroa.

[5] Rapport de Progrès du 31 août 2019 – Comité de pilotage global RESILAC

[6] Rapport de mission du référent technique régional – visite du 13 au 25 août 2020 – villages de Mamari Forage et Adebour 

[7] Rapport RESILAC d’exécution intermédiaire n°3 réalisé au Niger – Décembre 2020

[8] Champ-école paysan : un groupe de 20 à 25 personnes se réunissant une fois par semaine pour cultiver une parcelle de formation tout au long d'une saison de culture et apprendre ensemble à résoudre des problèmes de production

[9] Etude régionale de recherche INSUCO, Impacts contrastés de la crise sécuritaire sur les situations foncières dans la région du lac Tchad, 2020

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